04 Jan 2022 / Article

Comment favoriser l'adoption de l’IA par les entreprises africaines ?   

Lors de l’événement digital du 2 décembre 2021 réalisé par l’AFRICA CEO FORUM, en partenariat avec l’Unesco, six expertes du secteur ont échangé sur l’avenir de l’intelligence artificielle sur le continent. 

Le marché mondial de l’intelligence artificielle (IA) devrait atteindre 190 milliards de dollars en 2025 et même 267 milliards de dollars d’ici 2027. Une croissance exponentielle qui témoigne de l’impact que cette innovation aura sur les entreprises. Et le secteur privé africain ne fait pas exception. « Les entreprises privées africaines reflètent les tendances mondiales, certaines industries innovant à un rythme plus rapide qu’ailleurs« , explique Lana Graf, experte en intelligence artificielle chez IFC.   

Cependant, malgré les opportunités de croissance et d’adoption, des contraintes majeures se dressent encore pour démocratiser cette technologie. En cause, les questions d’accès aux données optimisées, aux plateformes et aux systèmes de gestion du cloud, notamment pour les PME. « L’IA est, en fait, plus efficace lorsque le bon ensemble de données est disponible et peut être agrégé de manière stratégique« , précise Leonida Mutuku, chercheuse, experte en utilisation de données, et fondatrice et Directrice Générale de l’entreprise Intelipro.  

Rendre l’IA accessible aux pme africaines 

Les initiatives autour des infrastructures de données partagées sont quelques-uns des moyens pour résoudre ces défis spécifiques. Les données étant une ressource non rivale (i.e qui consommée ne diminue pas la quantité disponible), il est possible que les mêmes données soutiennent la création de plusieurs nouveaux produits, services ou méthodes de production. De cette façon, la valeur résultant des mêmes données peut être pleinement exploitée. Plusieurs PME pourraient ainsi utiliser des ensembles de données partagées, tout en s’attaquant aux différents marchés et opportunités économiques présentes sur le continent. C’est déjà ce que fait l’université de Witwatersrand, à Johannesburg à travers l’AI Africa Consortium, qui vise à développer un réseau de collaboration axé sur l’étude du développement de l’IA et ses applications dans la recherche et l’innovation.  

Pour favoriser son développement à travers le continent, d’autres prérequis sont évidemment nécessaires tels que les infrastructures, la connectivité, l’accessibilité financière et l’acquisition de compétences techniques. C’est particulièrement sur ces points que l’action des gouvernements est attendue. En d’autres termes, sans stratégie politique claire liée à l’IA, aucune chance qu’un écosystème lié devienne accessible aux entreprises.  

« Les décideurs politiques ont tendance à être sceptiques face aux technologies émergentes« , prévient pourtant Fatim Cissé, fondatrice de Dux Côte d’Ivoire, destiné à faciliter l’accès à l’IA pour les entreprises africaines, et directrice générale d’IHS Towers Côte d’Ivoire, fournisseurs d’infrastructures de télécommunication. Elle ajoute “ils n’ont pas toujours l’expertise nécessaire pour identifier les domaines où l’IA pourrait apporter une véritable valeur ajoutée aux entreprises privées”. Notamment du fait de la multiplicité de ses applications possibles pour le secteur privé.   

Réglementer… mais pas trop 

Parallèlement à cet essor, devra se poser la question des possibles mésusages de cette technologie, notamment à des fins contraires aux intérêts des citoyens. Il est ainsi essentiel d’imaginer des garde-fous. Comme l’explique l’UNESCO dans son tout premier accord mondial sur l’éthique de l’intelligence artificielle, « la mise en œuvre de ces valeurs exige des politiques concrètes« , déclare Gabriella Ramos, sous-directrice générale pour les sciences sociales et humaines de l’UNESCO. A contrario, des systèmes réglementaires trop rigides et appliqués à un stade trop précoce pourraient entraver la croissance de cette innovation, surtout s’il doit s’étendre au-delà des frontières nationales.  

L’inaction des gouvernements africains pourrait se révéler coûteuse pour les performances des entreprises privées et les sociétés en général. Les technologies fondées sur des préjugés génèrent des algorithmes et des produits biaisés. La sous-représentation des femmes dans le domaine de l’intelligence artificielle crée déjà des algorithmes sexistes qui ont pour effet de creuser l’écart entre les sexes dans les entreprises privées du continent. Actuellement, les femmes ne représentent qu’environ 22 % des professionnels de l’intelligence artificielle.   

L’enseignement de compétences techniques, en particulier pour les jeunes, est l’une des solutions les plus efficaces pour surmonter les défis éthiques posés par l’IA. Apporter les bonnes compétences en IA aux jeunes doit être « une conversation panafricaine et une conversation menée par le secteur privé », déclare Stéphan-Eloïse Gras, Présidente de Digital Africa, une initiative française en faveur de l’innovation en Afrique. Le secteur privé peut établir des normes éthiques en sensibilisant les écoles et en s’associant aux institutions pour aligner ses besoins sur les exigences éducatives des jeunes. C’est notamment le cas dans certaines niches où l’IA a tendance à évoluer plus rapidement que dans d’autres secteurs et pour lesquels le système éducatif ne peut pas suivre la rapidité des changements comme le font certaines entreprises.  

Les niches les plus prospères ne peuvent être identifiées qu’en posant les bonnes questions : quels sont les atouts des économies africaines ? Quels sont les besoins les plus actuels de nos communautés ? « Ici, les recherches montrent que l’agriculture et l’exploitation minière sont parmi nos plus grandes forces sur le continent et que les entreprises africaines détiennent une part importante des ressources mondiales », déclare Uche Ogboi, directeur général de Lori Systems Corp. Enfin, l’amélioration de l’éducation et des soins de santé est également à valoriser. Dans ces secteurs, l’intelligence artificielle possède un pouvoir transformationnel considérable.  

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