Lors de l’évènement digital Investi In Côte d’Ivoire – Agribusiness organisé par l’Africa CEO Forum en partenariat avec Ecobank Côte d’Ivoire, le Ministre d’Etat, Ministre de l’agriculture et du développement rural Kobenan Kouassi Adjoumani nous a fait l’honneur d’intervenir sur les différents sujets agricoles ivoiriens :
Kobenan Kouassi Adjoumani, Ministre ivoirien de l’agriculture et du développement rural : “Notre Gouvernement s’est engagé dans des réformes d’incitation à la transformation locale”
Invest in : Vos actions sont guidées par la deuxième phase du Programme national d’investissement agricole (PNIA) pour la période 2018-2025 et le leitmotiv “Booster la transformation structurelle de l’agriculture ivoirienne”. Quel chemin vous reste-t-il à parcourir pour atteindre vos objectifs ?
Le Ministre Kobenan Kouassi Adjoumani : “Tout d’abord, je voudrais rappeler que la première phase du Programme National d’Investissement Agricole a permis de renouer avec les investissements publics dans le secteur agricole et de produire en quantité. Avec la deuxième génération du PNIA, les orientations ont été mises sur les améliorations des systèmes de production, de transformation et de commercialisation, dans un cadre de respect de l’environnement.
Le PNIA 2 repose sur neuf agropoles, celle du Nord a d’ailleurs été lancée en juillet 2022 par le Premier ministre Patrick Achi. En marge de la mise en œuvre des agropoles, d’autres projets ont été initiés par le ministère de l’Agriculture, aussi bien en culture vivrière qu’en culture de rente. Nous menons aussi des politiques visant à développer les zones de transformation dédiées à l’anacarde. En termes de financement pour le PNIA 2, les estimations s’élèvent à 1800 milliards de Francs CFA. Nos équipes travaillent avec l’ensemble des institutions à la mobilisation de ces moyens financiers.
Ces ressources sont pour la plupart orientées vers le développement et l’amélioration des facteurs de production. Je veux parler des aménagements hydro-agricoles, des infrastructures de transformation, de stockage et de commercialisation. Tout cet ensemble intègre les agropoles.
Si le PNIA 2 est déjà bien engagé, nos attentes restent fortes à l’égard du secteur privé. Le privé est un acteur important de l’activité agricole et un maillon identifié dans l’atteinte des objectifs du PNIA 2.”
Quels sont les avantages des agropoles pour les investisseurs internationaux désireux d’investir en Côte d’Ivoire ?
“Il est important de rappeler que la stratégie du Gouvernement vise à accroître les revenus des producteurs et également à améliorer leurs conditions de vie et de travail. Notre Gouvernement s’est engagé dans des réformes d’incitation à la transformation locale. Au cœur de celles-ci, il y a les agropoles afin d’inciter le secteur privé à investir dans les différents maillons de production. Nous avons compris que chaque région de notre pays a des spécificités agricoles qu’il faut développer. Si, par exemple, c’est le riz dans telle localité, nous allons nous adonner à la culture du riz. Ailleurs, ça peut être le cacao, ou l’anacarde. C’est la nouvelle donne qui accompagne PNIA 2.
Au niveau de l’agropole Nord, il est prévu la création sur 100 hectares de centres d’agrégation et de services, dont la superficie varie entre 25 et 50 hectares. Sur ces sites, les entreprises privées pourront s’installer pour développer leurs activités. Celui de Bélier est fonctionnel, celui du Nord le sera bientôt. Nous envisageons d’implanter un agropole au Nord-Est qui sera pour nous capital.”
Quand on évoque l’agribusiness, on ne peut pas passer à côté du cacao dont votre pays est le premier producteur mondial. Voici quelques repères au titre de l’année 2021 : la capacité de broyage du cacao en Côte d’Ivoire était de 869 000 tonnes pour une production de 2,2 millions de tonnes de fèves par an. Pour tirer encore un meilleur parti du secteur du chocolat (estimé à 105 milliards de dollars au niveau mondial), votre gouvernement a fixé un objectif de transformation locale du cacao à 100% d’ici à 2030. Comment comptez-vous atteindre cet objectif ?
“Le Gouvernement a décidé que la première transformation se fasse au niveau des fèves de cacao. Il faut pour cela améliorer le climat des affaires, mais aussi les approvisionnements des unités de broyage installées partout dans le pays. Des mesures ont été prises pour garantir cet approvisionnement, en réservant notamment une partie de la récolte aux broyeurs afin de régler de façon durable la question de leur approvisionnement. Les broyeurs pourront ainsi bénéficier d’un stock d’un mois à un mois et demi (45 jours) de leur capacité de broyage. Toute l’année, ils auront ainsi sous la main des produits à broyer.
Au sujet de l’allègement de la fiscalité appliquée au produit transformé du cacao, le Gouvernement a décidé d’appliquer un taux de Droit unique de sortie (DUS) différencié, par nature de produit, et en tenant compte du degré d’ouvraison du produit concerné. Cette volonté politique a été matérialisée à partir de la campagne 2017-2018, par la signature d’une convention portant sur les modalités du bénéfice du DUS différencié par type de produit issu de la transformation du cacao entre l’Etat de Côte d’Ivoire et certains broyeurs. Dans le cadre de cette convention, l’Etat s’engage à octroyer un abattement fiscal allant de 14,6% à 0% aux broyeurs de cacao, en fonction du degré d’ouvraison du produit. En contrepartie, toute société signataire de cette convention s’engage à augmenter graduellement le volume de fèves de cacao transformées sur une période de cinq ans.
Aussi, les actions spécifiques menées sur le terrain ont permis de passer à 972 000 tonnes de capacité installée de broyage au cours de la période 2022-2023 contre 706 000 tonnes en 2017-2018. C’est une progression très importante. En termes de perspective, la campagne 2023-2024 s’annonce sous de bons auspices avec la construction d’unités de transformation. Nous allons avoir de nouvelles unités de transformation de Transcao à PK 24, dans la zone industrielle d’Akoupé-Zeudji ou du côté de la région San Pedro. Tour cela permettra d’atteindre une capacité de broyage d’1,072 millions de tonnes. Et entre 2025 et 2030, nous envisageons la mise en route d’une usine Transcao dans la région de San Pedro d’une capacité de 50 000 tonnes. Les travaux démarreront en 2025. En tenant compte de ces éléments, nous serons largement au-dessus des 50% de broyage au niveau local en 2025. Les 100% de transformation locale seront une réalité.
L’une des conditions à la réussite de ces objectifs, c’est que les producteurs locaux en bénéficient. Des recommandations ont été données. Nous avons d’abord recensé et géolocalisé les producteurs afin de les extraire de ceux qui occupent de façon illicite des aires protégées. Nous avons traqué ceux qui utilisent des enfants dans leurs opérations agricoles. La traçabilité est une réalité. Il reste à savoir comment faire en sorte que la transformation puisse réellement profiter à la base de nos producteurs.”
Les filières évoquées font face à plusieurs enjeux, celui de la compétitivité mais surtout de la satisfaction des normes internationales, et donc de la traçabilité. Quelles sont les actions entreprises pour y répondre ?
“Les différentes structures de gestion de nos filières d’exploitation sont à l’œuvre, que ce soit du café, du coton, du cacao, de l’anacarde, de l’hévéa et du palmier, en collaboration avec les différents acteurs de la chaîne de valeurs. Dans la filière café-cacao, le processus de la traçabilité des flux physiques et financiers a été amorcé. Un million de producteurs de cette filière ont été recensés. Il y a un dispositif permanent de cartographie des parcelles et d’identification des producteurs de cacao qui a été lancé dans les délégations régionales du Conseil café-cacao. Ce dispositif va permettre non seulement d’identifier les producteurs non encore recensés et de réaliser des cartes. Toutes ces actions visent à mettre sur pied le système national de traçabilité de la campagne 2023-2024. Dans la filière anacarde, la Côte d’Ivoire a fait de la transformation locale l’axe majeur de développement.
Conscients de l’exigence de qualité qu’impose le marché international, nous avons mis en place un programme d’accompagnement au profit des transformateurs locaux pour l’obtention des principales certifications demandées par les pays importateurs de cajou. Au niveau du Conseil du coton et de l’anacarde, cela a permis à neuf entreprises d’obtenir la certification FISMA qui leur donne l’accessibilité au marché américain. Ce même Conseil bénéficie également de l’appui du Centre néerlandais de promotion des importations pour la prise en compte de la responsabilité sociale des entreprises.
La Côte d’Ivoire est déterminée à se conformer aux exigences du marché international mais il faudra que celui-ci tienne compte des efforts que nous faisons pour qu’au bout du compte le producteur de base ne soit pas lésé dans le partage du gâteau.”
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