20 Juin 2022 / Article

Comment libérer le potentiel de l’industrie pharmaceutique africaine ?

Après la grave crise sanitaire mondiale due à la Covid-19, l’Afrique a plus que besoin de compter sur elle-même pour produire des médicaments et prévenir d’éventuelles pandémies. Mais, le continent en a-t-il le potentiel et les moyens ?

Le bilan n’est pas reluisant. Alors que le marché mondial du médicament ne cesse de croître et a dépassé, en 2020, les 1 000 milliards d’euros de revenu, l’Afrique suit timidement cette tendance, avec seulement 15 milliards d’euros générés en 2021. Le continent ne pèse qu’à peine 3% du marché mondial. Les infrastructures sont également loin d’être à la hauteur. Les normes fixées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) indiquent un ratio d’un médecin pour dix mille habitants alors qu’en Afrique il est d’un médecin pour vingt-cinq mille habitants. Un tableau loin d’être exhaustif.

Face à cette situation, cinq panélistes de haut niveau ont planché, dans le cadre de l’Africa Ceo Forum 2022, sur cette problématique : « Comment libérer le potentiel de l’industrie pharmaceutique ? ».

Répondant à cette préoccupation, le ministre ivoirien du Commerce, de l’Industrie et de la Promotion des PME, de prime abord, a reconnu la faiblesse de l’industrie pharmaceutique africaine. Souleymane Diarrassouba a déploré qu’il existe seulement 375 industries pharmaceutiques en Afrique, là où l’Inde en compte cinq mille et la Chine, dix mille. En Côte d’Ivoire notamment, le ministre a fait savoir qu’il existe actuellement huit industries pharmaceutiques. Souleymane Diarrassouba a toutefois fait savoir que des efforts sont en cours. Ce qui permettra à son pays d’atteindre 14 industries.

Ramzi Sandi, directeur général des laboratoires SAIPH, a également affiché son optimisme quant à la capacité des Etats africains à satisfaire leurs besoins dans le domaine. Prenant l’exemple de son pays, la Tunisie, il a affirmé que cet Etat d’Afrique du Nord couvre 75% de ses besoins pharmaceutiques. « En Tunisie, sur quatre médicaments vendus, nous en fabriquons trois localement. La qualité des médicaments n’est plus un problème. Nous avons déjà l’expertise  », a-t-il déclaré.

Ramzi Sandi n’a pas tort. L’Afrique du Sud et le Maroc fabriquent et vendent eux aussi des médicaments aux pays voisins. Le Ghana et le Kenya se préparent à entrer dans la danse. Cependant, il y a de nombreux obstacles à lever pour que les pays africains puissent compter dans l’industrie pharmaceutique mondiale.

Selon Mathieu Lamiaux, directeur général et associé principal Boston consulting group, l’absence d’une main d’œuvre qualifiée et les barrières réglementaires sont, entre autres, les freins à l’essor de l’industrie pharmaceutique du continent. Dans ce sens, Racey Muchilwa, présidente pays et responsable Afrique sub-saharienne Novartis, a souligné qu’il faut commencer par analyser l’ensemble de l’écosystème sanitaire. Prenant le cas du Kenya, elle a relevé que grâce à un partenariat entre sa structure et l’université de ce pays, de nombreux jeunes ont été formés afin d’offrir une main d’œuvre de qualité à l’industrie pharmaceutique. Elle a proposé aux Etats de créer des centres d’excellence d’où sortiront des jeunes bien formés et qui seront mis à la disposition des entreprises.

Pour la directrice générale de Proparco, Françoise Lombard, si le secteur privé a un rôle à jouer afin d’aider le continent à relever le défi de l’industrialisation pharmaceutique, il ne peut le faire seul. « Le secteur privé ne peut pas jouer un rôle de façon isolée. Il faut un dialogue exigeant et ambitieux avec les pouvoirs publics », a-t-elle insisté. Par ailleurs, elle a ajouté que le volet du financement des projets doit être adapté aux besoins.

Les enjeux du progrès du continent dans l’industrie pharmaceutique sont importants. Il ne s’agit pas seulement de favoriser l’accès aux médicaments sur le continent mais aussi de lutter contre certains maux, telle la contrefaçon des médicaments. Un fléau décrié par le ministre ivoirien.

A en croire Souleymane Diarrassouba, en dépit des mesures institutionnelles prises par le gouvernement ivoirien, la contrefaçon représente 10% des médicaments vendus de ce pays. Or, a-t-il annoncé, si de nombreux médicaments sont fabriqués en Côte d’Ivoire et sont à la portée de toutes les bourses, ce taux peut diminuer.

Ahua KOUAKOU

 

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