20 Juin 2022 / Article

« L’insécurité alimentaire en Afrique existait déjà avant la guerre en Ukraine »

Macky Sall, Président, République du Sénégal

L’Africa Ceo Forum 2022 s’est achevé, le 14 juin, avec un panel de haut niveau auquel participait les Présidents sénégalais et nigérien, Macky Sall et Mohamed Bazoum, ainsi que par le tout nouveau vice-Président ivoirien Tiémoko Meyliet Koné.

La crise sanitaire qui a durement frappé le monde en 2020 et en 2021, a aussitôt laissé la place à une crise ukrainienne qui fait monter les tensions et les craintes. Si le théâtre des opérations se déroule certes loin du continent africain, ses effets se ressentent déjà notamment à la pompe et dans les assiettes des Africains. Le blé commence à manquer, les prix des hydrocarbures flambent.

L’Africa Ceo Forum 2022 qui s’est déroulé les 13 et 14 juin, à Abidjan, n’a pas voulu rester indifférent sur ce sujet, mais également sur d’autres défis comme le climat ou encore la sécurité, qui font partie des sujets les plus préoccupants pour le continent. Celui-ci a-t-il les moyens de résister face à ces crises dont les effets futurs s’annoncent plus coriaces ? Qui mieux que des Chefs d’Etat africains pour répondre à cette interrogation ?

Les Présidents Macky Sall du Sénégal, par ailleurs président en exercice de l’Union africaine, Mohamed Bazoum du Niger et le vice-Président ivoirien, Tiémoko Meyliet Koné se sont prêtés à l’exercice lors du panel présidentiel qui a marqué la Clôture du forum.

En effet, face à ces crises conjoncturelles, notamment la crise alimentaire qui se profile clairement avec la guerre ukrainienne, le Président Macky Sall pense qu’il ne faut pas avoir peur, mais avoir sur un plan et passer à l’action en finançant en particulier le développement agricole. « L’enjeu de la sécurité alimentaire en Afrique existait bien avant la guerre en Ukraine car notre production en matière de production vivrière est déficitaire. Mais elle s’est accentuée avec ce conflit. Pour y faire face, il faut des investissements conséquents dans notre agriculture encore largement sous-financée. Il faut parvenir à accéder à des financements à long terme et non seulement les crédits concessionnels dont les volumes sont insignifiants par rapport aux besoins de nos économies (…) Aussi, ce défi alimentaire ne pourra être relevé qu’ensemble », a déclaré le chef d’Etat sénégalais.

Rappelons que Macky Sall a effectué il y a quelques jours un déplacement en Russie pour rencontrer son homologue russe Vladimir Poutine pour négocier un déblocage de l’exportation de blé et des engrais dont la Russie et l’Ukraine sont les principaux exportateurs mondiaux, sans quoi la crise alimentaire pourrait encore s’aggraver. « Il faut nécessairement trouver des mécanismes pour qu’on puisse importer le blé ou, à défaut, les engrais. Nos terres en ont vraiment besoin, surtout que la saison des pluies débute dans plusieurs pays africains, ce qui signifie le début des cultures », a-t-il plaidé.

Le Niger fait partie des pays africains les plus menacés par la crise alimentaire. Son Président Mohamed Bazoum parle de quatre à cinq millions de personnes en détresse alimentaire à cause de la guerre ukrainienne qui a provoqué de sérieuses perturbations des chaines logistiques et des pénuries au niveau mondial. Il a en ce sens jugé « utile » l’organisation de l’Africa Ceo Forum qui permet de parler de ce problème. Vantant tout de même son optimisme et le plan de solidarité qu’il déploie chez lui, l’hôte d’Alassane Ouattara a plaidé pour la mise en place d’une chaine de solidarité beaucoup plus large.

Toujours à propos de la crise alimentaire, le vice-Président ivoirien Tiémoko Meyliet Koné s’est pour sa part félicité du « succès » des mesures d’anticipation et d’urgence prises par les autorités ivoiriennes. « Ça coûte cher au gouvernement, mais ça donne déjà de bons résultats », s’est-il targué. Cependant, pour lui, l’agriculture ivoirienne et globalement des pays africains doit sortir de la saisonnalité et parvenir à une meilleure maitrise de l’eau afin d’atteindre l’autosuffisance.

En en ce qui concerne les défis climatiques, Tiémoko Meyliet Koné s’est plutôt félicité du leadership de la Côte d’Ivoire dans l’« organisation réussie » en mai dernier de la Cop 15 sur la lutte contre la désertification. Il a surtout vanté l’Initiative d’Abidjan qui devrait permettre à la Côte d’Ivoire de recouvrer une bonne partie de son couvert forestier perdu et qui devrait servir d’exemple à tous les autres pays du globe dans la lutte mondiale contre le changement climatique.

« Il y a des raisons d’être satisfaits. Car des solutions concrètes ont été proposées pour résoudre le problème d’accès des femmes au patrimoine foncier, ainsi que la problématique de la création d’emplois. En plus, la Cop 15 a permis de mettre en place l’initiative d’Abidjan, qui vise la reforestation et la lutte contre la désertification », a-t-il déclaré.

S’il a plaidé pour une implication financière et logistique plus forte de la communauté internationale auprès des Etats africains dans leur lutte contre le terrorisme, Macky Sall a aussi déploré ce qu’il a appelé une injustice climatique. En effet, pour lui c’est trop demander au continent d’abandonner le fossile pour se concentrer uniquement sur les énergies propres à un moment où le continent doit faire face à des défis de plusieurs ordres. Cet avis est pleinement partagé par son homologue nigérien Mohamed Bazoum. Et cette injustice, Macky Sall compte en faire cas lors de la Cop27 à Sharm el-Cheikh en Egypte.

Concernant la lutte contre le terrorisme, le chef de l’Etat du Niger a insisté sur le fait que l’une des solutions envisagées et mises en œuvre par son pays, est de promouvoir une gouvernance qui rend les institutions solides et stables. Même s’il a reconnu que l’appui aux forces de défense n’est non plus à négliger.

FAUSTIN EHOUMAN

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